Fin de trimestre oblige, les moussaillons ont ramené leur farde à dessins de l'école. Ils sont dans une école à pédagogie Freinet, et dessin et autres exercices graphiques y sont entièrement libres. Pas de lignes de zigzag ou de vagues à reproduire, pas de frises multicolores à recopier ni de dessins à colorier, juste une feuille blanche, des crayons ou de la peinture, et leur imagination. Si les débuts sont très... abstraits, disons, on sent petit à petit l'évolution du trait et de l'intention, et on découvre parfois de jolies surprises. Parfois.
Pas besoin de beaucoup d'effort pour imaginer le résultat au retour à la maison... Il y a du tri à faire! Tri que seuls les artistes en herbe peuvent effectuer, sous peine de mélodrames et autres crises de larmes à la découverte du pot aux roses. Tri qu'ils n'ont eux-même pas tellement de mal à effectuer, car si certains dessins ont une valeur sentimentale, d'autres sont de simples gribouillages rangés dans le casier sans plus y réfléchir, et dont ils ne savent plus eux-mêmes attribuer de signification.
"Signification". Je pense que c'est là le mot-clé de cet article. Je me base sur une pratique des animatrices de l'école, qui prennent parfois le temps, après un dessin, de s'assoir à côté de l'enfant et de lui faire raconter ce qu'il a voulu exprimer, pour le noter en marge de l'oeuvre d'art. Et là, un simple gribouilli peut prendre tout de suite une autre dimension. Donc à chaque fin de trimestre, lorsque reviennent les fardes, nous prenons le temps avec les moussaillons de parcourir chaque oeuvre. Si l'enfant ne se rappelle plus de la signification du dessin, et qu'il n'y a pas d'intérêt esthétique, on jette d'un commun accord. Enfin, si l'animatrice n'a pas eu l'occasion de noter la signification du dessin, mais que le moussaillon s'en rappelle, je prend le temps d'écouter l'artiste et de noter son explication avec la date approximative. Explication qui vient parfois plusieurs mois après la réalisation, donc il y a probablement déviation depuis l'idée de départ, mais qu'importe, puisque cela fait sens à l'enfant.
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Quelques annotations en vrac : "Un volcan", "La lave du volcan", "La montagne", "Ce qui tient la montagne", "le serpent", ... (3 ans) |
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"C'est des routes pour les voitures" (3 ans) |
C'est une activité à réaliser dans un moment de calme, avec un peu de temps devant soi, car cela nécessite de la concentration. Attention aussi lorsque l'équipage est multiple : Ici, nous avons eu des difficultés à canaliser le P'tit Pirate pendant que je regardais les dessins avec l'Aventurier. Tout content de ses premières productions, le petiot tenait absolument à ce que ses oeuvres à lui gardent la vedette.
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"Pour mon Papa et ma Maman" (3 ans) |
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Encore des montagnes (toujours 3 ans) |
J'aime beaucoup ce principe de "légendage" des dessins. Lorsque nous reparcourons les gribouillis de première maternelle de l'Aventurier, nous retrouvons ses préoccupations de l'époque. Une ligne courbe devient une montagne, une bleue la piste pour la descendre, une autre un télésiège. Les oeuvres du P'tit Pirate, tout frais engagé en classe d'accueil, sont certes basiques, mais je prend un plaisir certain à retranscrire ses commentaires, avec les petites "spécificités de prononciation" qui le rendent si adorable. Et je sais que, d'ici deux ou trois ans, je sourirai en relisant ces petites capsules temporelles enfantines.
C'est également passionnant de voir l'évolution du trait. L'Aventurier n'a jamais été un grand dessinateur, et certains trimestres, il rentrait avec sa farde remplie... de dessins offerts par ses "amoureuses". Malgré tout, nous l'avons vu évoluer, petit à petit, au fil de ses passions du moment : Epoque montagnes, époque "préparation de mon anniversaire" avec confection d'invitations, époque "comptage", époque "plan de chasse au trésor", ... Le trait s'est fait plus sûr, l'intention plus explicite, la représentation plus fidèle.
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"C'est une soucoupe volante" (5 ans) |
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"J'espère que ma moto ne va pas s'envoler!" (5 ans, d'après un modèle pour la moto) |
Ces légendes permettent de jeter un coup d'oeil timide et discret dans le monde intérieur des enfants, dans leur processus de créations. Quelques mots un peu farfelus, et c'est une histoire, un rêve qui s'ouvre à nous, un monde imaginaire dont eux seuls ont la clé.
Depuis que mes enfants vont à l'école, je ne regarde plus les scraboutchas de la même façon. En tout cas, ceux de mes moussaillons...
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