Campagne Yakapa . Encore applicable pour l'aîné, pour les suivants... Bon courage. |
Bon, donc, les écrans, non (hum). La programmation, oui. Heuuuu, y a pas comme une incohérence, là? Bien sûr, mais malgré tout... il y a une solution : Robot Turtles.
Créé par Dan Shapiro, un génial papa informaticien, financé par un appel Kickstarter plutôt réussi, c'est un jeu de société qui, presque sans en avoir l'air, amène les enfants à écrire leurs premiers programmes.
Alors, les tortues, elles ne sortent pas de nulle part. Les geeks les plus précoces d'entre nous ont connu le Logo, langage de programmation à visée pédagogique utilisant une tortue pour dessiner des formes géométriques (ou non). Dans mon cas, la "Tortue" était un simple curseur triangulaire, et cette dénomination m'a toujours laissée perplexe, mais des amis ont eu l'occasion de pratiquer le Logo avec une vraie Tortue Robot.
Oh que ça fleure bon les années 80! |
Donc, dans notre jeu de société, revoilà nos tortues-robot, dignes héritières du Logo. Cette fois, pas de circuit électronique de pointe, juste... un papa ou une maman qui va "téléguider" la fameuse tortue sur le plateau de jeu, en se fiant aux instructions des petits joueurs. Avancer, tourner à gauche ou à droite, les instructions sont fort semblables au Logo de base et sont très vite comprises. Là où on voit que le jeu est bien pensé pour les petits (dès 4 ans), c'est en examinant de plus près les cartes d'instructions : De petites fleurs colorées permettent d'exprimer facilement les directions (fleur bleue : tout droit, jaune : à gauche et mauve : à droite), sans devoir maitriser la gauche et la droite. Cela facilite également l'orientation dans le référentiel de la tortue.
Les cartes d'instructions |
- Des murs en briques que tu peux pas passer à travers sous peine de te casser le bout du nez
- Des murs de glace que tu peux décongeler d'un habile coup de pistolaser (Piou Piou!!!!)
- Des caisses que tu peux faire dégager du chemin, à condition d'avoir la place derrière (quelqu'un se souvient de Sokoban?)
Le plateau peut être organisé de plein de manières différentes, selon l'inspiration du parent/maître de jeu/esclave en chef ou selon le niveau des Padawan-programmeurs.
Ouuuhh, il est méchant celui-là! |
Alors, LE facteur de succès du jeu : Les bruitages. C'est obligé, le parent doit se triturer les méninges et inventer les bruits les plus farfelus pour les déplacements des tortues. On peut plagier les noms des tortues telles que renseignés dans le manuel (Beep Beep, Pi, Pangle...), suivre l'inspiration du moment, ou celle des petits joueurs (au risque de devoir produire des "Prout Prout" à chaque déplacement de la tortue...). On peut "pioupiouter" avec les rayons lasers, "splatchouiller" dans les flaques d'eau, jouer au vieux diesel qui a du mal à démarrer... y moyen de varier les plaisirs.
En cas de timidité excessive ou de crainte du ridicule, le parent est autorisé à ingurgiter un petit apéro raisonnablement alcoolisé avant d'enfiler son costume d'Andouille en Chef (mais je décline toute responsabilité, of course).
Autre élément important du jeu : Les enfants ne sont pas en concurrence. L'objectif n'est pas de finir le premier, mais simplement d'attraper son diamant. En cas d'erreur, on peut se corriger en appuyant sur le petit insecte, et en criant "BUUUUUUG" bien fort. Eventuellement, si on a fini plus tôt, on peut aider ses congénères. On n'est pas dans le coopératif proprement dit, mais l'absence de compétition est le bienvenu.
Ce qui est également intéressant, c'est la progression des différents niveau. On commence simple, une instruction à la fois avec les instructions de base. Puis on rajoute les obstacles, un à la fois. Enfin, on peut permettre aux enfants de déposer plusieurs instructions (2, puis 3, etc) à chaque tour. Pour finir, ils peuvent construire la séquence complète de déplacement d'un seul coup. Et à ce stade, on peut introduire la notion de "fonction" pour optimiser le nombre de cartes utilisées.
J'ai testé le jeu avec le P'tit Pirate (4 ans et demi) et l'Aventurier (7ans et demi) et une amie de ce dernier (8 ans). Le P'tit Pirate m'a impressionnée par sa capacité à prédire et visualiser les trajets de la tortue. C'est très amusant de le regarder se tourner d'un côté ou de l'autre pour suivre l'orientation de sa tortue et trouver la prochaine direction à prendre. C'est bien entendu lui qui a fait le plus usage du "Bug", mais il n'a pas du tout à rougir de sa performance!
Les deux grands, quant à eux, n'ont eu aucune difficulté à monter dans les niveaux. Je m'y attendais pour l'Aventurier, qui programme déjà régulièrement (avec Scratch entre autres), mais son amie, moins familière de ce genre de raisonnement, a également tout de suite compris le principe et a fini sur un sans-faute aussi. Tous trois sont arrivés au stade des séquences complètes, avec les trois types d'obstacle, sur un parcours relativement simple. Il me faut maintenant trouver des labyrinthes un peu plus complexes, mais il y a de quoi faire avec ceux proposés sur le site du jeu.
Bref, un chouette jeu que mes garçons réclament souvent, qui permet de travailler de manière très ludique la construction du raisonnement algorithmique. Grand avantage par rapport aux versions écran : L'aspect relationnel et l'implication de l'adulte, dont la capacité à trouver des bruitages plus ou moins ridicule joue un rôle essentiel dans la réussite de ce moment partagé.
J'en profite pour remercier chaleureusement l'ASBL CSITed, qui nous a aimablement prêté le jeu a des fins de "béta-testing".